Mentorat Inversé (Reverse Mentoring) – Episode 1
Juin 2015. Ma fille de 12 ans à l’époque ne comprend pas pourquoi son père et moi-même lui imposons de faire du latin à partir de la 5ème. Soupirs, arguties, moue plus que dubitative mais nous ne cédons rien, même si la petite sœur se fait l’écho de ses messages.
Octobre 2018. 15 ans et elle « kiffe » (verbe du premier groupe ?) ce super voyage en Italie organisé par le collège, prévu pour Avril 2019 et ouvert exclusivement aux Latinistes ! Enfin une récompense après 3 années de latin.
Pour financer cette semaine qui s’annonce trop ‘ouf’, la professeure de latin donne la responsabilité aux élèves de vendre des chocolats de Noel pour financer une partie du voyage. J’observe du coin de l’œil et amusée la préparation des grandes manœuvres de vente de chocolats (après tout, papa et maman sont des experts de la stratégie marketing et commerciale) et je constate (fière) qu’elle décide de ne pas aller au plus facile (vendre à ses propres parents) et qu’elle met en place une vraie « prospection commerciale » : identification des prospects et du potentiel de chiffre d’affaires (combien de maisons dans le lotissement ? couple ou pas ? combien d’enfants ? combien d’élèves seront déjà passés avant elle pour vendre…), mise en place d’un argumentaire concurrentiel très construit (j’habite à proximité, je vends pour financer mon voyage en vous régalant de délicieux chocolats artisanaux, moins chers que ceux des artisans chocolatiers locaux, mais tout aussi savoureux et emballés dans des boîtes réutilisables), planification de la prospection ( X clients samedi, Y clients dimanche avec 2eme passage chez les prospects absents le samedi), mise en place d’une documentation (bon de commande, date de livraison, récépissé de commande, numéro de service client en cas de problème – le mien !- mais j’observe médusée un stratégie fort sérieuse.
Elle m’explique comment elle gère les objections des clients qui prétendent ne pas pouvoir acheter car ils n’ont pas d’argent liquide « ce n’est pas un problème, Monsieur/Madame, je prends aussi les chèques ! » (Personne n’a osé lui rétorqué qu’ils n’avaient ni chéquier, ni argent liquide)
Décembre 2018 : Les chocolats sont livrés, jolies boîtes et jolis sacs papier réutilisables (une vraie valeur ajoutée à cette période).
Ma vendeuse en herbe n’a pas fini de m’impressionner et à ce moment-là, c’est moi qui « kiffe » : vérification des livraisons du fournisseur (elle pointe chaque commande pour vérifier que tout est là), détecte une erreur et réagit immédiatement puisque le fournisseur est déjà payé, reçoit la bonne marchandise 24 heures plus tard et… Planifie sa livraison.
Petit flyer réalisé par ses soins, (indiquant le jour et la date auxquels elle effectuera la livraison) déposé 72 heures avant la livraison dans chaque boîte aux lettres des clients, numéro de téléphone laissé au client en cas d’absence le jour de la livraison (aurait-elle épluché le site Amazon pour comprendre les subtilités de la relation client et de l’efficacité opérationnelle ?).
La livraison commence 2 jours plus tard, clients ravis car livrés juste avant les fêtes (heureusement sinon le service client – moi – aurait été assailli !). Au final, 3 clients appellent à la maison pour reprogrammer la livraison : petite souris, j’écoute ma vendeuse plutôt confirmée poser les bonnes questions (voulez-vous que je passe plutôt en soirée, préférez-vous attendre quelques jours ?), rester polie et joyeuse au téléphone, remercier le client pour sa confiance (diable !)
Et soudain je réalise que cette apprentie vendeuse de 15 ans n’aura envoyé aucun mail, aucune publicité, n’aura utilisé aucun réseau social (qu’elle maitrise bien mieux que moi) mais aura simplement mis en place une méthodologie simple, qualitative, suivie et EFFICACE…que nous qualifierons de « basiques de la vente » ou encore comment votre adolescent de 15 ans vous ré-apprend le bon sens.