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Tribune

Start-up : comment éviter l’échec ?

LE CERCLE - Le nombre de startups sur le territoire est en constante augmentation. Il pourrait atteindre les 12.000 en 2022. Malgré leurs idées innovantes et l'appui de financements publics et privés, peu de projets parviennent à trouver un modèle économique adéquat et une gestion viable après la phase d’incubation. Pour Chrystelle Fontan présidente d'Incremento, ces revers peuvent, pour la plupart être éviter. Explications.

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Par Chrystelle Fontan (Présidente Incremento)

Publié le 3 juil. 2019 à 18:29Mis à jour le 4 juil. 2019 à 11:06

10.000, c’est le nombre de start-up aujourd’hui en France à faire tourner les têtes, à concentrer attentions politiques et louanges médiatiques. À ce rythme, le nombre de "jeunes pousses" pourrait atteindre les 12.000 en 2022, nombre alimenté par des financements aux montants stratosphériques, bien souvent en dépit de toute réalité économique... Et si on redevenait raisonnable ?

En 2017, les start-up françaises ont levé 3,3 milliards de dollars, sources publiques et privées confondues. Malgré cette somme astronomique équivalente au budget annuel du ministère de la Culture ou de l’Agriculture, les estimations les plus récentes indiquent que 60 à 75 % de nos start-up sous perfusion n’atteignent pas les cinq ans d’activité.

Les plus sarcastiques diront qu’aujourd’hui, on lève des fonds sur la base d’une technologie ou idée disruptive exploitée sur trois slides et un petit groupe de bêta-testeurs. À l’inverse, les plus fervents décréteront qu’il est important d’accompagner la création d’entreprise et l’innovation technologique et que c’est à ce prix que la croissance économique et l’innovation renforceront le poids économique de notre pays. Et puis il y a ceux qui prônent le juste milieu avec pour seul horizon la production de valeur, la longévité d’une structure et le développement d’une offre construite sur un besoin client clairement étayé et suffisamment porteur. Ceux-là mêmes qui s’interrogent sur ce système parfois hors sol, qu’on accuse un peu vite de jouer les Cassandres.

Et pourtant. Rendons-nous à l’évidence, le "start-up land" s’avère être un rêve aussi merveilleux que risqué. Incubateurs et pépinières qui poussent comme des champignons dans nos métropoles fraîchement labellisées #FrenchTech, encouragent des dizaines de jeunes entrepreneurs inexpérimentés à se rêver en nouveau Jeff Bezos. Or, gardons à l’esprit que parmi les 360 licornes recensées dans le monde, trois seulement sont françaises (BlaBlaCar, OVH, Deezer) – le chemin à parcourir semble donc long et ardu pour nos pépites françaises.

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Donner du temps au temps

Dès lors, il est regrettable de voir chez de nombreux startuppeurs cette volonté farouche de truster un marché le plus rapidement possible et de céder aux sirènes du financement abondant, de la levée de fonds et du mirage de la réussite fulgurante. Ces derniers pensent sortie et revente, x10, jackpot. Ils courent les concours de pitch, perdent le cap du besoin client, de la solidité du projet. Et s’écroulent. Pas toujours, mais trop souvent, hélas.

L’échec des start-up intervient le plus souvent en post-incubation. Après un, voire deux tours de table, vient le moment crucial : celui où il faut structurer et démontrer que l’idée de départ se déploie à plus grande échelle dans le nombre de clients, le chiffre d’affaires et la rentabilité – des indicateurs qui doivent être croissants et pérennes. C’est pourquoi il est impératif de garder en tête un postulat : une start-up est avant tout un embryon commercial. Et comme tout embryon, elle devra développer de façon maîtrisée ses fonctions vitales pour se construire, prouver sa viabilité et créer de la valeur… Sa propre valeur.

LIRE AUSSI > L'échec difficile à gérer pour les créateurs de start-up

S’il faut saluer l’esprit entrepreneurial, l’audace, l’appétence au risque et l’ubiquité intellectuelle des créateurs de start-up, force est de constater qu’un plafond de verre fait tomber les jeunes pousses.

Ce schéma qui se répète est le produit d’une fâcheuse combinaison entre le manque d’expérience et la décision – consciente, ou pas, assumée ou pas – d’ignorer les basiques de tout développement d’entreprise. Rappelons un chiffre issu de l’étude de la Harvard Business Review publiée en janvier dernier : l’âge moyen des startuppeurs à succès est de 45 ans. De là à dire que la culture du rebond, l’aptitude à la prise de recul et au raisonnement économique s’acquièrent avec l’expérience, il n’y a qu’un pas. Car, une idée "disruptive" ne fait pas tout. Lorsqu’on perd pied avec la réalité, un retour aux fondamentaux commerciaux de nos chères PME ou du Mittelstand allemand souvent pris en référence (et reposant entre autres sur un développement "incremental") ne fait jamais de mal.

Startuppeurs, posez-vous ces cinq questions qui contribueront à optimiser vos fonds propres, à alimenter votre développement et à vous dégager du financement à crédit :

1. Existe-t-il un vrai marché ?

Une nouvelle technologie ou un nouveau concept, doivent trouver leur marché cible, suffisamment attractif en volume et en valeur pour assurer une croissance du chiffre d’affaires et des parts de marché sur le moyen et long terme. Cet aspect vous paraît superflu, car vous prévoyez de sortir à trois ans ? Grave erreur, car tout acheteur, investisseur valorisera votre "pépite" à l’aune de son potentiel !

Autre erreur souvent commise : un marché naissant n’est pas forcément un futur marché de volume ou de niche ultra-lucratif. Il pourra par exemple être rapidement soumis à de futures réglementations qui limiteront le potentiel d’innovation incrémentale et donc de commercialisation (exemple avec le marché des biotechnologies ou des dispositifs médicaux, constamment mis sous le feu des projecteurs réglementaires).

2. À quel besoin et à quels clients s’adresse-t-on ?

Cet étrange concept de "client" que l’on préfère souvent ignorer, dénigrer ou redéfinir à son avantage doit être pleinement considéré. Nombreux sont les témoignages de startuppeurs en échec qui affirment être "arrivés trop tôt" ! Restons humbles et lucides : arriver trop tôt signifie qu’il n’y a pas de marché à ce moment-là et que le business model anticipé ne pourra jamais fonctionner ou pas sous cette forme, faute d’acheteurs. Pourtant, cette réalité aussi décevante que frustrante peut être anticipée en amont. Les principes du "lean start-up" couplés à quelques focus-groups seront d’excellents moyens de valoriser, valider, pivoter dans son offre si nécessaire, sans prendre trop de risques, sans engager ses liquidités, tout en gardant son agilité.

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3. Quel sera le degré de différenciation du produit/de la marque ?

Il est parfois amusant d’entendre des startuppeurs s’offusquer du supposé manque de lucidité du client qui n’achète pas cette nouvelle offre révolutionnaire. Un courageux startuppeur belge est revenu avec clairvoyance sur les erreurs de stratégie commerciale et marketing qui ont condamné sa start-up, autrefois considérée comme une pépite : trop de temps passé à se faire connaître, communiquer, lever des fonds, participer à des "afterworks"… Sans avoir validé son produit, sans savoir correctement le fabriquer ou le vendre. Il est donc impératif de définir comment, d’expliquer et de valider la façon dont votre produit fera mieux que l’existant (gain de temps, d’efficacité, de productivité, gain financier) et de s’assurer que le client et/ou les intermédiaires commerciaux seront prêts à y mettre le prix que vous en attendez pour construire vos marges.

4. Quand, comment et à quel rythme et à quel prix mon produit sera-t-il adopté… et abandonné ?

Il aura fallu 6 ans à Apple (2007 à 2013) pour voir ses ventes trimestrielles d’iPhone passer de 0 à 30 millions d’unités. Ce développement considéré à l’époque par les spécialistes comme fulgurant a pourtant connu 4 paliers distincts, rendus possibles par des stratégies produit et marketing spécifiques… Pour finalement se faire dépasser par de nouveaux entrants. Et tout le monde ne s’appelle pas Steve Jobs ! Dans un monde de concurrence acharnée et accélérée, rester lucide, proche de son marché, des consommateurs ou prescripteurs, établir une veille concurrentielle rigoureuse pour identifier les nouveaux acteurs sont des basiques à remettre à l’ordre du jour. À l’ère de l’e-commerce, la défection des utilisateurs et leur migration pour des modèles similaires et moins onéreux peuvent être massives et tout aussi fulgurantes que la croissance initiale, obligeant ainsi les acteurs présents à s’adapter… Ou disparaître.

5. Comment créer, développer une vraie relation commerciale pour satisfaire et fidéliser mon client ?

Non, un acte d’achat ne se fait pas systématiquement derrière un ordinateur. Vous développez le prochain drone à vocation agricole ? La nouvelle application qui facilite le quotidien des personnes à mobilité réduite ? Ne restez pas plantés derrière vos ordinateurs, les réseaux sociaux et les "webminars". Sans présence terrain, point de salut ! Derrière toute intention ou acte d’achat, derrière toute fidélisation et vente récurrente, se cachent un ou des clients, un ou des prescripteurs en chair et en os. Beaucoup semblent l’oublier, mais aucun site Internet et aucune application ne supplantera totalement la valeur d’un dialogue et d’une discussion avec son client.

De nombreuses analyses rétrospectives, honnêtes et touchantes, sur des échecs évitables sont disponibles sur le Net. Elles convergent toutes vers cette évidence : besoin client, plan de développement, rentabilité, marges sont les questions prioritaires à se poser avant d’envisager de devenir la prochaine licorne. L’investisseur direct – les capital-risqueurs – comme indirect – le contribuable, premier contributeur de la BPI – vous remercieront.

Chrystelle Fontanest présidente d'Incremento, structure d'accompagnement du dirigeant dans les différentes phases de la vie de son entreprise.

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